Au fond de l’eau
Je pourrais dire que je suis au fond du trou mais c’est un peu vulgaire. Je dirai plutôt que je suis au fond de l’eau. Je me noie, de chagrin et de désespoir. Car oui, je suis un cas désespéré mais ça, vous le savez. Vous savez aussi que les relations humaines sont compliquées, non ?

J’ai un sale caractère et je suis difficile à vivre. Je le sais car ce n’est pas la première fois qu’on me le dit. Mais j’ai beaucoup de mal à m’y faire. Je suis bien seule, dans ma bulle, avec ma tasse de thé, mon livre et mes chats. Non, je ne suis pas un cliché, je suis juste désespérée.
J’aime aussi voir des amis, des gens, des connaissances. J’apprécie grandement leur présence, leur compagnie, ils me redonnent la joie de vivre instantanément. Mais accepteront-ils de me voir maintenant que je me retrouve seule ?
Ce n’est pas évident la vie de couple. Partager son environnement, ses manies, ses habitudes, son corps avec une autre personne est un réel défi. Qu’elle soit du sexe opposé ou non, il faudra se mettre à nu devant elle et ce, dans tous les sens du terme. Il faudra vous ouvrir ou vous montrer tel que vous êtes vraiment. Honnêtement, je ne suis pas prête à recommencer l’expérience.
Avec moi, une relation amoureuse pleinement vécue ne dure que trois ans. Trois ans et demi, si j’ai de la chance. Trois ans de pur bonheur ! Et dès que j’entame la quatrième année, j’ai l’impression qu’une personne se positionne derrière moi et que, de force, elle m’ouvre les yeux. Ou bien que mon partenaire du moment se montre sous son vrai jour. Tous ses défauts font alors surface. Encore mouillés, ils se montrent et m’éclaboussent méchamment. Ces défauts, je les vois, ils s’accumulent tels de petits poissons dans un aquarium trop petit. Je relève les problèmes, en parle, les montre du doigt. Mais les poissons ne délogent pas et l’aquarium reste.
Et je me noie. Je finis au fond de l’eau, à force de ne plus en pouvoir, à force de pleurer. L’eau qui m’entoure est constituée de toutes les larmes retenues, toutes les larmes de terreur, de malheur, de tristesse, de remords et de regrets. Elles sont trop nombreuses, je ne me relèverai jamais. Elles m’écrasent et m’empêchent de bouger. Je ne suis plus qu’une épave au fond de l’eau. Abandonnée et seule. Les chats, apeurés par l’eau, ne m’accompagneront pas, hélas. Je me demande bien à quel moment et si je vais refaire surface.

Il va me falloir du temps. Il faut que je me reprenne en mains car je ne peux pas m’abandonner moi-même. C’est tout à fait hors de question. On m’a assez fait souffrir. Il ne faut surtout pas que je commence à me faire du mal seule. Je dois regarder les poissons partir avec l’aquarium et me libérer ainsi d’un poids. Et je dois cesser de pleurer. Je saurai ainsi sortir de l’eau et y voir enfin plus clair. Je crois que j’ai juste besoin d’un peu de temps.
Encore une expérience de laquelle il faut se relever. Et après laquelle il faudrait réessayer avec quelqu’un d’autre. Mais pour l’instant, je n’en ai pas le courage. Laissez-moi tranquille avec tout ça. J’ai assez donné pour l’instant. Je veux rester seule maintenant. Me retrouver, penser à ce que je veux vraiment et me contenter de l’instant présent.
Je veux essayer de vivre pleinement, sans me préoccuper de ce que l’autre pourrait ressentir, ce qu’il pourrait dire ou de quelle manière il pourrait réagir. J’en ai assez d’agir de la sorte. Je crois que je vais être un peu égoïste pour une fois et ne penser rien qu’à moi. Cependant, en ai-je vraiment le droit ?